Société des enseignants BULLETIN No 17 / Actualité |
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MATHEMATIQUES 93, un colloque romand à suivreF. Jaquet, Directeur de "Mathématiques 93" |
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Après "Allemand 89" et "Français 91", "Mathématiques 93" était le troisième colloque organisé par la Conférence intercantonale des chefs des Départements de l'instruction publique de la Suisse romande et du Tessin, le premier dans sa discipline. Vingt ans exactement après l'introduction généralisée des programmes romands de mathématiques, l'occasion était à saisir, le rendez-vous à ne pas manquer. Le colloque était accompagné d'activités parallèles auxquelles la SENS s'était associées. Il semble opportun, dans l'élan de l'événement,
d'en rappeler certains enjeux et de faire connaître les premières
impressions de ses participants. "Mathématiques 93" devait réunir des enseignants
titulaires de classes de mathématiques. Cette condition de participation
clairement exprimée par les organisateurs de la rencontre a été
largement respectée: la très grande majorité des
84 participants réunis à la Chaux-de-Fonds les 18 et 19
novembre 1993 étaient en prise directe sur les problématiques
abordées, au vu de leur engagement quotidien en classe de mathématiques. Pour le premier jour du colloque, l'enjeu était de se retrouver sur une activité commune conduite au préalable, dans leurs classes respectives, par tous les membres d'un même groupe de travail. Chaque animateur avait soigneusement préparé et défini son thème et ses modalités pratiques avant de les présenter aux participants. Ces derniers sont entrés dans le jeu, pleinement. Ils y ont passé beaucoup de temps. Ils sont venus avec des travaux d'élèves, des remarques, des résultats expérimentaux témoignant d'une large pratique des activités proposées. Un double enseignement est à tirer de ce type d'organisation: il est possible de faire "faire des mathématiques" à des classes de degrés, sections et cantons différents à propos d'un même thème et il est évident que les maîtres qui se retrouvent dans ce dispositif ont des choses à se dire! En corollaire, on relève une frustration manifeste: celle de ne
pas avoir eu plus de temps pour exploiter la somme de données acquises
lors des travaux préparatoires. Les activités proposées par "Mathématiques
93" ont été conçues pour être reproduites
ou poursuivies, dans différents contextes. Toutes les conditions
sont remplies pour ces futurs développements: il reste une grande
quantité de résultats à analyser, les textes de préparation
sont disponibles, les animateurs sont devenus des formateurs et sont disposés
à contribuer à la poursuite des travaux ébauchés.
Les groupes de travail du second jour ont fait émerger les grandes
problématiques de l'enseignement des mathématiques dans
notre période de transformations accélérées,
comme l'ont fait également les discussions de coulisses, intenses
et animées, renforcées par la diversité de nos contextes
cantonaux. Des liens se sont tissés. Des questions communes sont
ouvertes. Les conditions sont réunies pour que le mouvement esquissé
vers la recherche de leur solution se poursuive. Il y avait des enseignants de tous les degrés à la Chaux-de-Fonds.
Certains travaux ont pu être conduits à la fois dans des
classes primaires et secondaires, avec quelques adaptations. On a pu constater
que, d'un degré à l'autre, certaines constantes se retrouvent:
dans les conceptions didactiques, dans la façon de considérer
l'erreur dans la gestion de situations mathématiques, etc. Pour
beaucoup, c'était l'occasion d'un premier regard vers l'aval ou
vers l'amont de l'enseignement de sa discipline. L'ouverture transfrontalière
s'est révélée fructueuse. Les invités étrangers
sont eux aussi entrés dans le jeu du colloque. Ils se sont montrés
intéressés et actifs. Ils nous ont apporté leurs
éclairages. Les questions qu'ils se posent, qu'ils nous posent,
ne sont pas fondamentalement différentes des nôtres. Par
leurs contributions, on mesure l'intérêt à voir au-delà
de nos frontières, non seulement cantonales, mais nationales. Une
semaine de portes ouvertes sur les mathématiques et leur enseignement,
était organisée à la Chaux-de-Fonds à l'occasion
du colloque: expositions, films, conférences, concert, concours,
atelier de formation permanente. L'ouverture était orientée,
là, vers la population entière d'une région, au-delà
des murs de l'école. L'intérêt suscité montre
que ces pistes sont à explorer et qu'on peut faire quelque chose
pour changer l'image des mathématiques, pour ouvrir son enseignement
sur l'extérieur. Dans sa "conférence interactive", Marc Legrand, a démontré
non seulement qu'un véritable échange est possible dans
un auditoire d'une centaine de personnes, mais encore que le débat
peut être approfondi et conduit scientifiquement. Aucun des participants
ne le démentira, même si le thème du vrai et du faux
est parfois dérangeant lorsqu'on est coiffé de l'autorité
du maître de mathématiques. Et ce thème du vrai et
du faux nous contraint à élargir notre réflexion,
à remonter aux finalités essentielles de notre enseignement
des mathématiques, à redéfinir ses objectifs dans
une perspective systémique où interviennent les besoins
de la société, les rapports de pouvoir, l'affectivité,
l'éthique. Va-t-on remettre en question le calcul littéral?
Le discours ex-catedra a-t-il encore sa place dans nos classes de mathématiques?
Les épreuves communes et autres dispositifs de notation ou de sélection
scolaire sont-ils incontournables? La dimension des objectifs généraux
(et généreux) des plans d'études dépassera-t-elle
celle du texte législatif ou du discours d'intentions? Si le bilan n'est encore prématuré on peut toutefois affirmer,
sans risque de se tromper, que toute innovation future passera inexorablement
par la formation des maîtres. Que ce soit dans le domaine de l'évaluation,
de la gestion des situations-problèmes, de la prise de conscience
des représentations de l'élève, de l'amélioration
des connaissances mathématiques de base ou de tout autre aspect
de l'apprentissage et de l'enseignement, on retrouve la même nécessité:
les conceptions du maître de mathématiques devront évoluer,
au même rythme que celui de la science, des techniques ou de la
société en général. Ce camp n'est pas celui de la centaine d'heureux élus qui ont eu la chance de représenter leurs collègues. C'est celui de tous ceux qui sont concernés par l'enseignement des mathématiques: maîtres, élèves, autorités scolaires, associations d'enseignants, parents et société dans son ensemble. |
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